CHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGÈRE : On badine avec l’amour

Chronique d'une Liaison Passagère affiche

J’ai souligné à l’occasion de ma critique d’Avec Amour et Acharnement la propension du cinéma français à parfois se caricaturer lui-même avec des mélos intellos, toujours très portés sur le sexe. J’aurais pu renouveler l’exercice en vous parlant de Chronique d’une Liaison Passagère qui pourrait correspondre à la même description. Mais la qualité du résultat est toute autre. Grâce à une vraie qualité d’écriture et surtout une touche d’humour qui offre une vraie légèreté à l’ensemble. On se retrouve face à une fantaisie amoureuse qui se laisse apprécier pour ce qu’elle est.

Portrait amoureux

Chronique d’une Liaison Passagère nous livre une réflexion sur la définition de l’engagement amoureux. Existe-t-il vraiment des relations sans sentiment, ni attache ? Mais jamais le propos ne cherche à présenter une portée universelle. On est plus proche du film portrait. On y découvre de manière relativement approfondie deux personnages et l’alchimie particulière qui naît entre les deux. On explore ce qu’elle a d’unique, lié au vécu et aux aspirations de chacun d’eux. Libre à chaque spectateur ensuite de se reconnaître dans tel ou tel aspect du récit. Le tout nous est raconté avec poésie et un rien de fantaisie qui rendent le film très plaisant.

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LE VISITEUR DU FUTUR : Les idées avant l’argent

Le Visiteur du Futur affiche

En France, non n’a pas toujours les budgets pour proposer des films à très grand spectacle. Il s’avère aussi que l’on n’a pas de pétrole. Mais dans les deux cas, on compense avec des idées. Parfois aussi en s’associant avec d’autres pays, comme pour Vesper Chronicles récemment. Le Visiteur du Futur est quant à lui une production 100% hexagonale. Si le début du film nous fait quelque peu douter de la capacité du film à nous entraîner réellement dans son univers, faute de crédibilité. La suite se montrera réellement convaincante et on en ressort très agréablement surpris.

Paradoxes temporels

Malgré des moyens visuels qui touchent parfois leurs limites, François Descraques a eu l’immense mérite de ne pas renoncer à l’ambition scénaristique. Même si le ton du Visiteur du Futur est clairement celui d’une comédie, il nous propose une véritable histoire de science-fiction pleine de paradoxes temporels, qui peuvent donner quelques migraines au plus réfractaires à ce genre d’histoire. De même si les personnages portent en eux une touche de parodie, le scénario creuse assez leur personnalité pour leur offrir une réelle épaisseur. De plus, l’intrigue est ponctué de nombreux rebondissements qui fonctionnent parfaitement bien.

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TOUT LE MONDE AIME JEANNE : Bonheur thérapie

Tout le Monde Aime Jeanne affiche

De la scène comique au cinéma dramatique, il existe à première vue un large fossé qui n’est pas aisé de franchir. Pourtant, on ne compte plus les exemples éclatants d’un passage réussi d’un bord à l’autre. Sans remonter jusqu’à Coluche dans Tchao Pantin, on peut notamment citer Marina Foïs dont je dis tellement de bien dans ces pages (comme pour Ad Bestas par exemple) et qui nous livre des prestations loin de ses simagrées du temps des Robin des Bois. Il encore un peu tôt pour la comparer à Blanche Gardin, qui prend doucement ses marques sur grand écran. Mais avec Tout le Monde Aime Jeanne, on pourrait être tenter de lui prédire un parcours similaire.

Feel good movie

Avant de briller à travers son casting, Tout le Monde Aime Jeanne se démarque par la qualité de son scénario et l’imagination de sa mise en scène. Sur le premier point, je n’ai pas envie d’en dire trop car sa grande force réside dans la manière dont il ne va dévoiler que très progressivement le vrai sujet du film. On est cependant face à un vrai feel good movie qui sans optimisme béat ou fleur bleue nous fait croire qu’il y a toujours du beau temps après la pluie. Tout cela est agrémenté par les pensées de la principale protagonistes représentées par un personnage crayonné (par Céline Devaux elle-même) et fort sympathique. Le procédé, sans être révolutionnaire, apporte un peu d’originalité bienvenue.

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EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE : Réjouissant désordre

Everything Everywhere All At Once

Voir un parfait quidam propulsé au rang de héros devant sauver le monde (ou tout du moins la situation) est un point de départ relativement fréquent dans les récits d’aventure. En effet, il facilite l’attachement que le spectateur peut ressentir à l’égard de l’héroïne ou du héros et offre un ressort comique assez puissant et inépuisable. Mais rarement l’idée aura été poussé jusqu’au bout comme dans Everything Everywhere All At Once. Un film qui part un peu dans tous les sens, mais qui nous ravit par ses qualités tout aussi multiples. A sa tête, un duo de réalisateurs tous les deux prénommés Daniel, qui sont font appeler The Daniels (ce qui est somme toute logique). Ils devaient bien s’y mettre à deux pour nous proposer une histoire marquée par une imagination si débridée.

Énergie communicative

Daniel Sheinert et Daniel Kwan ont eu le grand mérite de partir de leur idée de départ et le faire vivre avec toute la force et l’enthousiasme possible. Le résultat manque parfois franchement de maîtrise, mais il y a quelque chose de communicatif dans l’énergie qu’ils insufflent à leur œuvre. Que ce soit dans l’action ou l’humour (on passe de l’un à l’autre constamment), ils ne font jamais les choses à moitié et on passe tellement vite d’une idée à l’autre qu’on oublie vite les moments de faiblesse. On en ressort sans être sûr d’avoir totalement saisi la signification de tous les détails et on regardera désormais son bagel d’un air perplexe (promis, je n’ai rien divulgâché par cette allusion au contenu du film). On passe un bon moment, on ne voit pas le temps passer (ou presque, un petit quart d’heure de moins n’aurait pas été de refus) et on se dit qu’on a au moins échappé au formatage habituel des films d’action. Si Marvel vous ennuie désormais, essayez donc Everything Everywhere All At Once.

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A LOVE SUPREME : Live IN SEATTLE (John Coltrane), VALENTINE (Snail Mail), NONANTE-CINQ (Angèle) : Sonorités et voix

A Love Supreme : Live in Seattle (John Coltrane) : Modèle de genre

A love Supreme Live in SeattleLe jazz est certainement le genre musical majeur où ma culture est la plus faible. Mais il y a quand même quelques artistes qui parviennent à se faire une place dans ma discothèque. John Coltrane en fait partie. C’est pourquoi, je me suis penché sur ce A Love Supreme – Live in Seattle, un concert enregistré en 1965, sorti à titre posthume en 1971 et récemment réédité. On y découvre un jazz assez doux, parfois mélodieux, parfois dissonant. Il joue beaucoup avec les sonorités. La musique prend une toute autre dimension quand les cuivres sont très présents. Mais le tout reste néanmoins plutôt chaotique. Bref, un modèle du genre pour ceux qui aiment les modèles de ce genre là.

Valentine (Snail Mail) : Voix mordante

ValentineDerrière le nom de Snail Mail se cache en fait une artiste solo, de son vrai nom Lindsey Jordan (et effectivement les musiciens qui l’accompagnent, mais dont le turn-over est important). Valentine est son deuxième album. Sa voix se détache immédiatement de la musique. Elle présente une vraie profondeur et se pose sur des instrumentations un peu anarchiques, riches en sonorités diverses. Quand elle pousse sa voix, elle donne beaucoup d’impact aux titres. Sa pop électro se montre parfois réellement enthousiasmante, aussi bien dans les moments très énergiques que dans la douceur. Sa voix lui offre une large palette qu’elle exploite parfaitement à travers des titres à la qualité constante malgré leur grande variété.

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AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT : Caricature

Avec Amour et Acharnement afiche

Les détracteurs du cinéma français ont tendance à le caricaturer. Ils décrivent facilement les films hexagonaux comme pompeusement intellectuels et où le sexe joue un rôle central. Il faut croire que les caricatures ne sortent jamais tout à fait de nul part. En effet, Avec Amour et Acharnement répond en tout point à cette définition. Une histoire de jalousie qui aurait pu avoir une portée universelle, mais qui se transforme en spectacle ridicule, mettant en scène des personnages aussi risibles qu’irréalistes. Des personnages qui n’existent pas dans la vraie vie. Uniquement dans l’esprit de Claire Denis.

Extraterrestres

La qualité d’écriture des dialogues est forcément vitale dans un film où la psychologie et les rapports humains jouent un grand rôle. Ceux d’Avec Amour et Acharnement contribuent à transformer les protagonistes en êtres d’un autre monde. La volonté de Claire Denis est de nous montrer comment la jalousie peut dévorer, comment certains amours nous poursuivent même quand on pense qu’ils font définitivement partie du passé. Mais la volonté ne suffit pas on propose un récit qui sombre dans le n’importe quoi, aussi pédant que dénué finalement de tout sens. Tout cela est évidement ponctué de quelques scènes de sexe, certes assez courtes, mais assez crues pour faire genre. Claire Denis aurait voulu signer volontairement une caricature, elle ne serait pas parvenue à la rendre aussi caricaturale.

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TROIS MILLE ANS À T’ATTENDRE : Rare génie

Trois mille ans à t'attendre

Certains mythes semblent impossible à dépoussiérer et à renouveler. Celui du génie dans la lampe nous ramène évidemment avant tout à l’histoire d’Aladin. Il semble ardu à première vue de se détacher de ce contexte, qu’on soit fan de Disney ou des contes de mille et une nuits. Mais ce n’est pas pour faire peur à George Miller, ce réalisateur relativement inclassable, qui compte dans sa filmographie des films aussi différents que Mad Max, Happy Feet et Babe, un Cochon dans la Ville… 11 films en 43 ans de carrière, mais presque autant de films culte pour les petits et les grands. Trois Mille Ans A T’Attendre traduit d’ailleurs parfaitement la capacité de ce réalisateur trop rare d’aller sur des terrains très différents avec un talent qui, lui, reste constant.

Riche patchwork

Trois Mille Ans A T’Attendre est un film étonnamment riche. Il nous emmène à différentes époques, dans différents lieux, de l’Orient ancien au Londres moderne. Il traite également de nombreux sujets. Qu’ils soient philosophiques, avec une jolie réflexion sur la solitude. Ou sociétaux, en abordant le sujet du racisme et de l’intolérance. Le grand mérite de George Miller est d’être parvenu à donner une réelle cohérence à ce qui s’apparente presque à un patchwork. L’histoire est solide, aussi divertissante que touchante et non dénouée d’une certaine profondeur. En tout cas le résultat est plutôt étonnant et inattendu. Il se laisse regarder surtout avec un plaisir sincère.

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LA PAGE BLANCHE : Le changement, c’est maintenant !

La Page Blanche

Qui n’a jamais rêvé à un moment ou à un autre de pouvoir refaire sa vie à partir d’une page blanche ? De pouvoir tout remettre en question, réécrire sa vie comme on l’entend. C’est la question au centre de la Page Blanche (titre pertinent donc), une jolie fable humoristique sur fond d’amnésie. Une comédie un rien philosophique, portée par la magnifique Sara Giraudeau. Même si la réponse à la question initiale est non, vous pourrez tout de même apprécier pleinement ce film plein de fraîcheur et de légèreté. Donc aucune raison de se priver.

Jeu de piste

La Page Blanche est un film tourné presque entièrement vers un seul personnage. Mais peut on parler de film portrait quand le point de départ est justement que ce personnage ne se rappelle plus qui elle est ? Va s’en suivre un jeu de piste que l’on suit avec un certain enthousiasme. Cet aspect de l’histoire lui donne son épaisseur scénaristique. L’histoire ne se limite donc pas aux interrogations métaphysiques qui torturent les protagonistes. Le récit est vivant, ponctué de traits d’humour qui font mouche. A force d’être léger cependant, il manque tout de même quelque peu de profondeur pour devenir vraiment inoubliable.

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THINGS TAKE TIME, TAKE TIME (Courtney Barnett), 30 (Adele), BARN (Neil Young) : Puissantes femmes

Things Take Time, Take Time (Courtney Barnett) : Toujours aussi agréable

Things Take Time, Take TimeOn débute avec une artiste australienne que j’apprécie beaucoup, Courtney Barnett. Après Sometimes I Sit and Think and Sometimes I Just Think et Tell Me How You Really Think (auxquels on peut ajouter Lotta See Lice, en duo avec Kurt Vile), voici son troisième album solo, Things Take Time, Take Time, sorti en 2021. Elle nous offre un rock mélodique, aux accents country. Une sorte de mélange entre The Bangles et Sheryl Crow. Sa voix possède définitivement une vraie personnalité. Elle fait preuve de conviction et de maîtrise. La production donne un côté intime. La qualité est constante et le résultat très agréable.

30 (Adele) : Puissante découverte

30On poursuit avec une immense star… que je n’avais pas la chance de vraiment connaître jusqu’à l’écoute de 30, son quatrième album. Je comprends mieux désormais le succès d’Adele, saisi par sa voix claire. L’ambiance est un rien rétro, avec quelques accents symphoniques. Cela ressemble souvent à une musique de film, comme un générique de James Bond (on se rappelle alors qu’elle a signé celui de Skyfall en 2012). La voix est parfaitement mis en valeur. La qualité monte encore d’un cran quand la voix est poussée et qu’elle mord vraiment dans ses titres. Mais globalement, la qualité est constante et l’album dégage une vraie puissance.

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RUMBA LA VIE : Pas de deux

Rumba la Vie affiche

Franck Dubosc n’est pas vraiment ma tasse de thé (surtout si c’est du darjeeling), que ce soit en tant que comique ou en tant qu’acteur. Je lui avais cependant reconnu de vraies qualités de réalisateur lorsque j’ai vu Tout le Monde Debout. C’est donc avec une certaine curiosité que j’ai pris mon billet pour Rumba la Vie pour savoir si cette facette de son talent se confirme ou s’il avait bénéficié de la chance du débutant. Curiosité, mais aussi confiance en lisant les critiques plutôt élogieuses. Au final, je vais me joindre au concert de louanges, tant ce film représente une belle réussite à beaucoup de points de vue.

Haut la France du bas

A une époque où les questions sociétales sont traités avec beaucoup de manichéisme et d’agressivité, Rumba la Vie nous offre une jolie leçon d’humanité. Il est rare de voir ce que certains appellent, avec beaucoup de condescendance, la France d’en bas ainsi représentée à l’écran sans aucun jugement, ni misérabilisme. Le personnage de Franck Dubosc n’est ni meilleur, ni pire que ce qu’il pourrait être dans vraie vie. Cela le rend d’autant plus attachant et empêche surtout l’histoire de devenir mièvre. On regrettera simplement le manque de crédibilité d’une des péripéties relativement importante. Mais au-delà de ce défaut plutôt mineur, le résultat se montre particulièrement convaincant.

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