I’M NOT SORRY, I WAS JUST BEING ME (King Hannah), LIMBS (Keeley Forsyth), MAMA FORGOT HER NAME WAS MIRACLE (Melissa Laveaux) : Lâcher la voix

I’m not Sorry, I was just Being Me (King Hannah) : Sans ruptures

I'm not sorry, I was just being me de King HannahKing Hannah est un duo originaire de Liverpool. Leur premier album, I’m not Sorry, I Was Just Being Me est sorti en 2022. Ils nous plongent dans une ambiance sombre, mais rock. Leur musique est lente et envoûtante, nous faisant penser à un mélange de PJ Harvey et de Garbage. On peut trouver ça hypnotique ou monocorde, question de point de vue. On peut dans tous les cas regretter le manque de ruptures de rythme. Un album solide sur une ligne qui peut plaire ou déplaire, mais qui peut surtout lasser un peu vite.

Limbs (Keeley Forsyth) : Potentiel sous-exploité

Limb de Keeley ForsythKeeley Forsyth est une actrice qui apparaît régulièrement dans les séries anglaises. Mais elle est aussi chanteuse à ses heures perdues et Limbs est son deuxième album. On apprécie d’emblée sa voix, quasi a capela, ou du moins qui se pose sur une fond musical léger. Cela constitue une entrée en matière assez douce pour pénétrer dans son univers éthéré. Malheureusement, l’attention de l’auditeur n’a pas grand-chose sur laquelle s’attacher. La musique reste presque toujours sur le même mode. Le potentiel de sa voix apparaît sous-exploité, toujours en-dedans. Et on peut trouver ça vraiment dommage.

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RESTE UN PEU : Contrôle d’identité

Reste un peu affiche

Faire du rapport à la religion le thème central d’un film est déjà en soi un exercice périlleux. Quand en plus on cherche à en faire une comédie, il faut définitivement marcher sur des œufs. Cela avait plutôt bien fonctionné pour Coexister il y a quelques années. Reste un Peu est un film d’une toute autre nature. Si beaucoup de situations nous donnent le sourire, l’humour est ici un levier puissant au service d’une réflexion remarquablement subtile sur l’identité. Gad Elmaleh nous offre ici un film réellement inattendu sur le fond, mais aussi la forme.

Introspection sans contemplation

Reste un Peu nous parle avant tout de l’identité juive et de sa singularité. Mais la réflexion portée par le film présente des éléments universels qui pourront nourrir une réflexion intime chez chaque spectateur. Le propos parvient à la fois à se montrer profond, touchant et donc drôle. Le tout soutenu par une vraie tension narrative provoquant une réelle envie de savoir où le récit va nous mener. Ici introspection ne rime pas avec contemplation. Gad Elmaleh a donc réussi la première partie de son pari en maîtrisant totalement son sujet, pourtant extrêmement délicat.

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MADAME BOVARY (Gustave Flaubert) : Il était temps

Madame Bovary de Gustave Flaubert

J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait un jour que je lise Madame Bovary… mais pas tout de suite. En effet, ma mère, dont c’est le livre préféré, m’a toujours expliqué qu’il fallait avoir un certain âge pour l’apprécier pleinement. A 43 ans désormais, je peux aisément considérer que j’ai assez d’expérience et de recul pour enfin passer à l’acte. Je me suis donc attaqué à la plus grande œuvre de Gustave Flaubert avec une certaine curiosité et une réelle envie. Et même si quelques éléments m’ont laissé un peu circonspects, le moins que l’on puisse dire est que je n’ai pas été déçu.

Une incroyable mordernité

Ce roman est d’une incroyable modernité. On imagine facilement comment il a pu profondément choqué à sa parution tant Gustave Flaubert décrit sans détour les situations, de manière encore plu directe que Pot-Bouille de Zola par exemple. Pas de sous-entendu ou de périphrase. Le récit se concentre vraiment sur les sentiments de son héroïne, lui donnant une portée universelle et intemporelle. On peut s’y identifier même avec bientôt deux siècles de distance. Le roman donne voix à la condition féminine au sein de la société bourgeoise du XIXème siècle d’une manière vraiment étonnante pour l’époque. Car à travers l’ennui ressenti par Madame Bovary se dégage une critique sociale beaucoup plus profonde et relativement inédite pour l’époque.

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BLACK PANTHER : WAKANDA FOREVER : L’enthousiasme attendra

Black Panther : Wakanda Forever affiche

L’essoufflement des productions Marvel est un fait constaté et regretté par une grande majorité des fans. Si les séries télévisées entretiennent parfois encore la flamme, les longs métrages sont désormais pour la plupart décevants. En tout cas, jamais à la hauteur des espoirs qu’ils font naître, comme pour le dernier Docteur Strange ou Spiderman. Comme dirait la FFL, rien n’est pire que l’espoir. Il a commencé à renaître à l’approche du deuxième épisode de la franchise Black Panther. Le premier volet constitue le dernier vrai moment de grâce de cet univers cinématographique. On pouvait donc légitimement croire à une renaissance. Mais voilà, la mort de Chadwick Boseman a remis les compteurs à zéro. Black Panther : Wakanda Forever partait donc sans garantie. Et le résultat reste malgré tout mitigé.

Au moins c’est beau !

Black Panther : Wakanda Forever possède d’incontestables qualités. Déjà celle d’être beau. Les décors et surtout les costumes présentent un éclat qui forcent l’admiration. Tout cela est parfaitement mis en valeur par la réalisation de Ryan Coogler, à la qualité bien au-dessus de la moyenne pour ce genre de production. Les scènes d’action possèdent donc un petit quelque chose en plus qui aurait pu faire toute la différence. Le final possède notamment un caractère relativement grandiose. Relativement car tout cela ne parvient pas à avoir l’impact que cela aurait pu avoir. Un impact qui aurait pu nous faire retrouver cet enthousiasme qui manque désormais.

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ARMAGEDDON TIME : L’art d’être grand-père

Armageddon Time affiche

A-ton besoin forcément d’une histoire aussi grande que les enjeux qu’elle porte ? Peut-on traiter un sujet d’une portée immense à travers le simple destin d’un jeune garçon et sa relation tendre et complice qu’il entretient avec son grand-père ? La magie du cinéma tient souvent à la capacité d’un réalisateur de faire surgir l’extraordinaire de ce qui pourrait à première vue relever du quotidien anodin. Et James Gray est un véritable magicien du 7ème art. On le savait déjà mais Armageddon Time le confirme avec une force bouleversante. Qui pourrait bien lui valoir un Oscar amplement mérité.

Frappant en plein cœur

Le vrai sujet d’Armageddon Time ne transparaît pas immédiatement. On peut se sentir quelque peu déconcerté par les premières minutes où ne voit vraiment pas où tout cela pourrait finir par nous mener. Puis, des détails, des péripéties, des dialogues nous permettre d’appréhender toute la portée du propos. Il serait donc dommage d’en dire plus ici, mais la profondeur de la réflexion est saisissante et le message frappe en plein cœur. Il est sans concession, bouleversant, mais fait aussi pointer cette petite lueur d’espoir qui donne encore un peu foi en l’humanité. Juste le signe que le monde n’est jamais tout à fait en noir et blanc, ce qui ne fait que rendre le propos encore plus pertinent.

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LIFE ON EARTH (Hurray for the Riff Raff), PAINLESS (Ninüfer YaNya), LUCIFER ON SOFA (Spoon) : Bons classiques

Life on Earth de Hurray for the Riff Raff : Suivre la voix

Life on Earth de Hurray for the Riff RaffOn commence avec le groupe américain Hurray for the Riff Raff, dont j’avais déjà apprécié l’album the Navigator en 2017. Ils sont de retour en 2022 avec Life on Earth. On y retrouve la voix envoûtante de Alynda Segarra, incontestablement le point le plus fort du groupe. Elle se pose sur un son pop rock classique mais efficace. Ils font preuve de maîtrise et de conviction. Les titres s’enchaînent avec une qualité constante, tout en offrant une certaine variété. On regrettera simplement qu’aucun d’entre eux ne sorte réellement du lot.

Painless de Ninüfer Yanya

Painless de Nilüfer YanyaNilüfer Yanya est une artiste britannique aux origines turquo-irlandaise. Painless est son deuxième album. Elle nous y propose un rock dynamique. Elle mord dans ses titres. D’ailleurs, les passages plus calmes sont nettement plus ordinaires. Elle affiche le minimum de personnalité requis pour valoir le détour, conjugué à une réelle maîtrise et des instrumentations mélodiques et propres. Malheureusement, un petit côté évaporé prend progressivement le dessus et nous offre une fin d’album nettement moins convaincante.

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LA CONSPIRATION DU CAIRE : Noir égyptien

La Conspiration du Caire affiche

Le cinéma nord-africain est considérablement plus discret sur nos écrans que ce que les liens culturels forts que nous entretenons avec cette partie du monde pourraient laisser supposer. Sans doute, est-ce lié au peu de productions locales, faute de moyens. Ceci est vrai pour le Maghreb, mais aussi l’Égypte qui n’a longtemps existé pour le 7ème art mondial qu’à travers Youssef Chahine. Elle est apparue sur le devant de la scène en 2017 avec le Caire Confidentiel. Certes, son réalisateur, Tarik Saleh, est en réalité suédois. Mais il revient avec La Conspiration du Caire, montrant à quel point il reste attaché à ses racines (bien qu’il soit interdit de territoire en Égypte). Il reste surtout attaché à la volonté de nous offrir d’excellents films.

Noir, c’est noir

La Conspiration du Caire est un film noir d’un grand classicisme dans les éléments qu’il met en scène : le flic à l’éthique borderline, des adversaires ambigus, un jeune innocent qu’il ne l’est peu-être pas tant que ça finalement… C’est bien le décor qui est plus inhabituel, puisque le film nous emmène dans une des principales universités coraniques de la capitale égyptienne, potentiellement infiltrée par les Frères Musulmans. Le film repose sur un vrai fond géopolitique, mais que ceux que ça peut rebuter se rassurent. Il s’agit ici avant tout d’un pur polar.

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R.M.N. : 50 nuances de gris

R.M.N. affiche

Dans un monde où la vision manichéenne prend de plus en plus de place, il est bon de se confronter à des propos qui renvoient tout le monde dos à dos, où du moins chacun à ses propres travers. R.M.N. est le nouveau film du réalisateur roumain Cristian Mungiu, récompensé par la Palme d’Or à Cannes en 2007 pour 4 Mois, 2 Semaines, 2 Jours. Si c’est le Suédois Ruben Östlund et son Sans Filtre qui a eu droit à une deuxième consécration sur la Croisette, on peut s’étonner que le Roumain soit reparti sans le moindre prix. Avec ce film, le réalisateur livre une vision sans grande concession de ses compatriotes, du racisme qui les habite, de leur absence d’empathie ou de conscience des enjeux écologiques. Mais sa vision de ceux prompts à leur faire la leçon n’en est pas moins cinglante. Un match nul salutaire.

Cinglante ironie

Ceux qui ont vu 4 Mois, 2 Semaines, 2 Jours ne s’imaginent pas vraiment son auteur signer un jour des films légers et drôles. Ce n’est effectivement toujours pas le cas avec R.M.N. Le film est cependant parcouru d’une ironie cinglante qui peut faire sourire parfois. Il tourne en ridicule les indignations hypocrites de ceux qui ne cherchent qu’à cacher leur égoïsme et leur bêtise. Mais comme tout le monde en prend pour son grade, on en vient à se demander si on n’aurait pas pu nous aussi être dépeint avec le même mordant par Cristian Mungiu. Cela rend les choses un peu moins amusante d’un coup, mais cela donne beaucoup à réfléchir.

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L’INNOCENT : Se méfier des apparences… ou pas…

L'Innocent affiche

Il ne faut jamais se fier aux apparences, voilà une leçon offerte par beaucoup d’histoires. Elles cherchent à nous éloigner de nos préjugés. À nous pousser à juger les personnes sur ce qu’elles ont vraiment au fond d’elles. Intention louable quand on connaît le nombre de personnes souffrant de discriminations bêtes et méchantes. C’est à nouveau le cas de l’Innocent, qui nous parle du jugement immédiat que l’on porte sur les personnes sortant de prison. À moins que… Parce que ce film, comme toutes les bonnes histoires, n’est pas forcément ce qu’elle semble être à première vue. Et la morale n’est pas non plus forcément celle attendue.

Interdit de divulgâcher

Toute personne divulgâchant l’Innocent devra donc être jugée coupable de haute trahison cinématographique. Le scénario n’est pas celui du Sixième Sens, mais il reste néanmoins très bien écrit, apportant son lot de surprises. Il se situe sur le registre de la comédie. Pas de gags à proprement parler, mais quelques numéros d’actrices et d’acteurs assez savoureux. La principale qualité du film est celle de ses personnages. Mais également celles des situations dans lesquelles, le scénario s’amuse à les placer. Les événements vont crescendo avant un final particulièrement réussi et réjouissant.

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EO : Un certain regard

Eo affiche

Certains points de départ de film peuvent laisser perplexe. Ainsi, c’est l’histoire d’un âne qui parcourt la Pologne ne donne pas forcément envie de se précipiter dans une salle obscure pour assister à un tel spectacle. C’est pourtant bien le point de départ d’EO, qui est en fait une nouvelle version d’un film français de 1966, Au Hasard Balthazar, réalisé par Robert Bresson. Mais récompensé à Cannes par le Prix du Jury et bénéficiant de bonnes critiques presse et spectateur, il est possible de se dire que finalement, ça mérite le coup d’œil.

Un regard sur nous-mêmes

EO utilise le procédé du regard extérieur pour souligner les petit travers et même les vices les plus sombres de l’espèce humaine. Il est d’autant plus extérieur, qu’il vient cette fois d’une autre espèce, à la nature paisible et affectueuse. On peut voir dans ce film également une réflexion sur la condition animale. Bien sûr la thématique n’est pas absente, mais elle implique ici trop d’anthropomorphisme pour se montrer totalement pertinent. En tout cas, le procédé fonctionne ici très bien, provoquant des émotions variées chez le spectateur : joie, tristesse, mélancolie, colère… Ce regard détaché sur des événements a priori ordinaires leur donne un impact que l’on aurait pas soupçonné.

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