LE BLEU DU CAFTAN : Bleus au cœur

Le Bleu du Caftan

Le cinéma reste un de premiers moyens d’expression de ceux qui souhaitent libérer les sociétés sud de la Méditerranée des carcans qui enferment leurs populations. Parmi cette vague de cinéaste brillants et avides de liberté, Maryam Touzani s’était fait particulièrement remarquée en 2015 avec le magnifique et bouleversant Much Loved. Elle est revenue sur nos écrans avec Le Bleu du Caftan. Une œuvre qui présente bien des points communs avec sa prédécessrice. Notamment le fait d’être magnifique et bouleversant.

Hymne aux amours

Si Much Loved était avant tout une histoire de femmes, le Bleu du Caftan est avant un film d’hommes. En effet, le premier sujet reste l’homosexualité masculine et le tabou qui l’entoure dans la société marocaine. Mais le film aborde bien d’autres sujets. Il repose en fait sur un trio, avec un superbe personnage féminin. Cela permet à l’histoire de nous parler d’amour, de tous les amours. Le regard de la réalisatrice les met en lumière de manière sublime, sans jugement, sans hiérarchie, contrastant avec une incroyable force avec le regard de la société. Elle en souligne ainsi la bêtise et l’absurdité, rappelant où se trouvent le beau et le moral.

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JOHN WICK : CHAPITRE 4 : Dernier tango à Paris

John Wick : Chapitre 4 affiche

John Wick, John Wick 2, John Wick 3 : Parabellum. Trois films, mais à vrai dire trois fois le même film. Rarement une saga cinématographique aura su recycler les même éléments à l’infini sans sortir de sa ligne de conduite. Au moins, les amateurs ne sont pas déçus. Ils y trouvent exactement ce à quoi ils s’attendaient. Pour John Wick : Chapitre 4, la critique s’est montrée beaucoup plus élogieuse que pour tous les épisodes précédents. On pouvait donc légitimement s’attendre à un spectacle un peu différent, ce qui aurait pu expliquer ce sursaut d’enthousiasme. Il n’en est rien et on assiste pour la quatrième fois au même film.

Chorégraphies en série

John Wick : Chapitre 4 est, comme ses prédécesseurs, un film de danse. Ou du moins de chorégraphies. On y retrouve en effet un enchaînement impressionnant de combats frénétiques, tous exécutés avec une infinie précision. Cela reste terriblement spectaculaire, mais un rien lassant quand même. L’histoire ? Les personnages ? Ils passent plus que jamais au second plan, même si la personnalité du héros n’est pas totalement étrangère au succès de la saga. Le film présente de vraiment de grâce, quand bien même on se trouve face à une extrême violence.

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THE WHALE : Fond échoué

The Whale affiche

Au mois de mars, le théâtre filmé étant à l’honneur. En effet, The Whale est sorti la même semaine que Mon Crime. Les deux films ont la particularité d’être l’adaptation d’une pièce. Mais la comparaison s’arrête là que ça soit pour la nationalité, l’époque ou le sujet. Également pour la manière de filmer. En effet, le grand mérite de Darren Aronofsky est de nous faire oublier l’origine de cette histoire pour en faire une véritable œuvre cinématographique dans la forme. Ensuite, pour ce qui est du fond, il nous convainc de manière nettement moins franche.

Sans conclusion

Il y a-t-il une morale à The Whale ? Si elle a été voulue par Samuel D. Hunter, l’auteur de la pièce et du scénario, elle n’a rien d’évidente. On peut y voir le signe d’une liberté laissée au spectateur, libre de tirer ses propres conclusions de l’histoire qui lui est racontée. Mais ce dernier doute fort surtout qu’il y ait la moindre conclusion à tirer. Non que l’histoire ne soit pas intéressante à suivre. Au contraire, on ne s’ennuie pas, se demandant vraiment où celle-ci, par ailleurs très riche et parfois forte, va nous mener. Mais force est de constater que la réponse peut se résumer par « nulle part ». Ce qui gâche un peu tout ce qui a précédé.

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MON CRIME : Délice filmé

Mon Crime affiche

François Ozon est un grand cinéaste, même si je ne me suis pas toujours montré enthousiaste à son propos. Mais il est vrai que plusieurs de ces dernières œuvres m’avaient plutôt séduit, notamment Grâce à Dieu et Été 85. Il a souvent pris l’habitude de nous proposer du théâtre filmé. Cela avait donné le meilleur, 8 Femmes, comme le plutôt moyen, Peter Van Kant. Mon Crime est de son côté une vraie réussite, même s’il n’échappe pas totalement aux travers de ce genre. En tout cas, il permet de passer un excellent moment en compagnie d’un formidable casting.

Une bonne dose de fantaisie

Comédie policière, Mon Crime nous propose une intrigue à tiroirs avec quelques rebondissements bien amenés, qui en surprendront plus d’un. Le spectateur reste toujours en éveil à l’affût de ce qui pourra se passer ensuite et en quête du fin mot de l’histoire. Le sujet est très classique, le traitement aussi. L’ambiance des années 20 est savoureusement reconstituée, avec un rien de kitch et d’exagération mais qui colle très bien au spectacle proposé. Le film nous propose une bonne dose de fantaisie, particulièrement enthousiasmante par moments.

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EMPIRE OF LIGHT : Hors de la lumière

Empire of Light affiche

Il est décidément beaucoup question de cinéma au cinéma ces derniers temps. Et pour des films très différents. Babylon a été une vision psychédélique du Hollywood des années 20. The Fabelmans une quasi autobiographie intimiste. Et Empire of Light un mélodrame particulièrement émouvant. Signé par le grand Sam Mendes, ce film est passé largement inaperçu. Certes, il ne figurera pas dans les œuvres les plus marquantes du cinéaste. Mais elle méritait un peu plus que cette indifférence.

En deux dimensions

Il est possible de formuler quelques reproches à l’encontre de Empire of Light. Celui notamment d’enfoncer quelques portes ouvertes en dénonçant sans forcément beaucoup de subtilité le racisme et le machisme de l’Angleterre des années 60. Mais le propos de ce film dépasse largement ce cadre-là. Les personnages cachent des blessures intimes qui offrent une autre dimension à l’histoire. Celle-ci est beaucoup moins attendue et donne même une vraie touche d’originalité au film. Elle apporte surtout un supplément d’émotion, sur un autre plan, qui transporte vraiment le spectateur.

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THE FABELMANS : La naissance d’un géant

The Fabelmans affiche

Au cours de sa carrière Steven Spielberg nous a fait voyager dans de nombreux mondes imaginaires. Il nous a aussi régulièrement fait remonter le cours de l’histoire pour faire revivre des époques révolues. Mais il lui aura fallu 77 ans pour nous emmener dans le cours de sa propre vie (même si c’est de manière quelque peu romancée). The Fabelmans nous faire revivre la prime jeunesse du cinéaste et le chemin qui l’a conduit à devenir un des plus grands prodiges du 7ème art. Le tout à travers un grand film évidemment.

Spielberg tient aussi la plume

The Fabelmans est un des rares films où Steven Spielberg en tant que scénariste. Ce n’est même que la troisième fois pour sa propre filmographie de réalisateur après Rencontre du Troisième Type et A.I. (mais avec des circonstances particulières pour ce dernier). Preuve que ce long métrage occupe une place particulière dans sa carrière. Il y met beaucoup de cœur et cela se traduit par beaucoup d’émotions pour le spectateur. Le film n’est pas dénué de longueurs, mais il nous offre quelques passages mémorables qui parlera à tous ceux qui aiment le cinéma.

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ANT-MAN ET LA GUÊPE : QUANTUMANIA : Petite surprise

Ant-Man et la Guêpe : Quantumania affiche

Pourquoi continuer à aller voir des films Marvel pour finalement tous les trouver décevants. Que ce soit Doctor Strange in the Multiverse of Madness, Thor : Love and Thunder ou Black Panther : Wakanda forever, aucune des dernières productions n’a répondu aux attentes des fans. Vu l’accueil critique très froid qu’a reçu Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, c’est sans grande illusion que certains (dont je fais partie) ont pu se rendre voir ce dernier. Et bien, avec sans doute un lien de cause à effet, la surprise que personne n’attendait se montre plutôt bonne.

Pas de prise au sérieux

Ant-Man et la Guêpe : Quantumania n’est certainement pas le film de super-héros du siècle mais il fait le job comme on dit. Une bonne dose d’humour, des scènes d’action bien troussées avec un final particulièrement spectaculaire. Pas de grand souffle épique certes, mais de la légèreté et un petit vent de fraîcheur réjouissant. Ce film nous montre, et c’est tant mieux, que Marvel continue de ne jamais se prendre totalement au sérieux. On retrouve ce qu’on aime dans cet univers. Peut-être pas tout ce qu’on aime, mais rien que ce qu’on aime.

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TÀR : Paroles et musique

Tàr affiche

Cate Blanchett est une très grande dame du cinéma. Donc quoi de plus normal que de faire appel à elle pour donner vie à une très grande dame de la musique. Dans Tàr, elle trouve un rôle à la mesure de son talent, taillée pour elle dans les moindres millimètres. Mais un peu comme précédemment avec Emma Thomson dans My Lady, quand un film est trop conçu pour mettre en valeur sa principale interprète, il perd de son naturel. Du grand film que ce long métrage aurait pu être, il ne reste qu’un exercice de style présentant de vrais moments de grâce. Mais aussi de nombreuses longueurs et un sens profond qui nous échappe.

Intensité intermittente

Tár nous plonge immédiatement dans un certaine tension. Mais dès le départ, il manque au soutien de cette tension une réelle intensité. Certes, certains passages sont bien intenses, mais ils prennent place entre des séquences où on ne sent pas saisi au tripes comme on devrait l’être. L’ambiguïté et la richesse du personnage se dessine peu à peu, mais le film a déjà perdu une partie de l’intérêt du public au moment où elle se révèle vraiment. Et quand le public est enfin rentré totalement dans cette histoire, celle-ci le conduit à un dénouement qui ne conclut que très partiellement le propos. On en ressort en ayant l’impression d’être passé à côté d’un très grand film.

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LA FAMILLE ASADA : La belle famille

La Famille Asada affiche

Chaque année, le palmarès des meilleurs films de l’année comporte son lot de films asiatiques. 2023 n’échappera pas à la règle en nous proposant précocement un petit bijou venu du Japon : la Famille Asada. Un film, qui à l’image de Tempura l’année dernière, comporte plusieurs parties assez différentes. Cette fois cependant, chacune des deux moitiés est d’une qualité égale et nous émeut chacune à sa manière. Deux fois plus de bonheur donc.

Portrait de famille

La première moitié de la Famille Asada est un… portrait de famille. Cela n’étonnera personne vu le titre du film. Mais un portrait aussi tendre que drôle. Avec ce petit rien de décalage qui confère au film toute son originalité et sa personnalité. La seconde moitié nous plonge dans les suites du tsunami ayant déferlé sur la région de Fukishima. Elle nous permet de mieux comprendre l’étendue de ce drame dont nous avons surtout retenu l’incident nucléaire. Un passage moins drôle, mais qui conserve cette infinie tendresse qui nous fait garder le sourire même quand une petite larme vient perler aux paupières.

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BABYLON : Pour l’amour du cinéma

Babylon affiche

Pour beaucoup Damien Chazelle est un grand cinéaste puisque qu’il a signé La La Land pour lequel il a reçu un Oscar. Pour moi, il est un immense cinéaste parce qu’il a signé Whiplash, un des chefs d’œuvre absolus du 7ème art. Pour tous, il est désormais un cinéaste gigantesque parce qu’il a signé Babylon. Un film de trois heures qui semble durer une heure et demi à peine tant il happe le spectateur dès la première seconde que pour le lâcher à la dernière seconde du générique. Entre les deux, un tourbillon de musique, de péripéties, de visions ébouriffantes et d’amour profond du cinéma.

Aux amoureux du 7ème art

Babylon est avant tout un sublime hommage à la part de rêve véhiculée par le cinéma hollywoodien. S’il nous plonge plus particulièrement dans l’ambiance fantasmée d’une époque, il nous fait réaliser dans ses dernières minutes à quel point l’histoire racontée est en fait celle du 7ème art de manière intemporelle. Ou plutôt l’histoire de tous ceux qui se sont un jour rendu dans une salle obscure pour se sortir de la réalité et s’offrir une heure, ou deux, ou trois dans des mondes sans limite. Cette œuvre, qui pouvait paraître relativement impersonnelle, devient dans ses ultimes instants un moment de partage intense avec Damien Chazelle pour tous ceux qui, comme lui, sont amoureux du cinéma.

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