YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS : Gravité légère

Youssef Salem a du Succès affiche

Ramzy Bedia a depuis quelques années suivit le chemin que beaucoup d’autres acteurs comiques ont emprunté avant lui. Celui qui mène au statut d’acteur dramatique, tout autant talentueux. Cela s’est amorcé notamment avec Une Vie Ailleurs en 2017. Youssef Salem a du Succès permet de mesurer à quel point l’ancien complice d’Eric Judor a atteint une grande maturité artistique. Il joue sur ses deux jambes, à l’aise dans une grande palette de registres. Ce très joli rôle lui permet d’en faire étalage, sous la caméra élégante de Baya Kasmi. Une histoire riche qui nourrit la réflexion du spectateur, tout en lui donnant le sourire et lui inspirant de belles et nombreuses émotions. Le genre de film qui nous montre où se situe la vraie richesse du cinéma français.

Richesse grave et légère à la fois

Youssef Salem a du Succès se démarque tout d’abord par la richesse de son propos. On y parle de la famille, de l’intégration, du rapport à la célébrité, de l’affirmation de soi… Beaucoup de sujets donc, mais chacun occupe une vraie place et Baya Kasmi parvient à aller au bout de la réflexion à chaque fois. Malgré cela, le propos est fluide et reste incroyablement léger, même pour les aspects le sujets les plus graves. Ensuite, le film brille par sa pertinence. Le message profondément humaniste fait beaucoup de bien dans une société qui souffre autant de manichéisme et de rejet des visions différentes. Il rassemble sans jamais céder au bons sentiments. La profondeur du propos est réelle et sa bienveillance ne signifie en rien qu’il ferme les yeux sur les aspects les plus douloureux.

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TIRAILLEURS : Déracinés

Tirailleurs

En 2006, le film Indigènes avait rappelé de manière brillante l’apport de soldats venus des colonies lors de la Seconde Guerre Mondiale. Mais cette réalité n’a évidemment pas concerné que ce conflit, mais aussi le conflit de 14-18. Les amateurs du 7ème art ne peuvent désormais plus l’ignorer grâce à Tirailleurs. Un film très bien écrit et qui ne tombe jamais dans la facilité. Et qui, de manière universelle, nous rappelle, comme 1917 avant lui, à quel point cette guerre fut une véritable boucherie à la dimension absurde terrifiante.

Père et fils

Le grand mérite de Tirailleurs est de se construire autour d’un socle qui n’enferme pas le film dans son sujet. La relation entre le père et le fils qui se heurte à une hiérarchie militaire qui inverse les rôles constituent un fil rouge transposable dans bien d’autres contextes. Ne pas être qu’un cri revendicatif n’affaiblit pas le message. Bien au contraire, il le crédibilise en lui donnant un surplus de hauteur. Il s’agit d’un film simplement humaniste même s’il met en lumière une histoire bien particulière qui n’appartient qu’à ceux qui l’ont vécu et en ont souffert.

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GODLAND : Avis de grand froid

Godland affiche

Une contrée désertique. Des paysages grandioses. Des hommes venus d’ailleurs dotés d’un léger complexe de supériorité vis-à-vis d’autochtones auxquels ils sont persuadés d’apporter une part de civilisation à ces sauvages. Des hommes rudes, fier de leur virilité. Une population entretenant une relation particulière avec les chevaux. Tout ça fait forcément penser à un western. Pourtant, il s’agit ici de l’Islande et de sa « colonisation » par les Danois. Une histoire peu connue que nous fait découvrir Godland. A condition d’aimer les films fortement contemplatifs.

L’ennui qui guète

Entre beau, long et ennuyeux, notre cœur balance au moment de se qualifier Godland. C’est le genre de film que l’on passe en se disant que si cela continue comme ça encore cinq minutes, on va finir par s’ennuyer ferme. Sauf que l’ennui ne vient jamais vraiment. Mais à force de flirter avec elle, on a bien du mal à se montrer pleinement enthousiaste. On est intéressé par le spectacle mais uniquement avec l’intellect. Le cœur reste sur sa faim, faute d’émotion.

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PALMARÈS 2022 : L’année des cinéastes

Armageddon Time

Un palmarès 2022 très tardif, mais de grande qualité. Il est le reflet de toute la diversité du 7ème art qui fait que jamais on ne se lasse de se rendre dans les salles obscures. Il place les États-Unis une nouvelle fois au sommet du cinéma mondial, même si l’Europe et l’Asie restent évidemment présentes. Mais surtout, ce palmarès nous rappelle à quel point le cinéma appartient avant tout aux cinéastes. Aux auteurs qui ont une vision à transmettre, une personnalité à partager, un propos à défendre. A l’heure où un pur film de producteur consterne le cinéma français, il est bon de se rappeler que l’histoire de l’art a été écrite par les artistes, non les mécènes.

La vision qui triomphe cette année est donc celle de James Gray. Un metteur en scène qui sait allier la beauté esthétique avec la profondeur du fond. Il nous livre avec Armageddon Time une réflexion d’une force bouleversante, qui, à travers une histoire très intimiste, remet en question notre vision du monde. Il offre à Anthony Hopkins un des rôles les plus remarquables de cette année cinématographique. Un film bouleversant dont on ne ressort pas indemne.

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LES BANSHEES D’INISHERIN : Bons baisers d’Irlande

Les Banshees d'Inisherin affiche

Les plus perspicaces d’entre vous auront peut-être remarqué que je n’ai toujours pas publié mon top de l’année 2022. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi, je n’ai pas reçu du coup des dizaines de messages de protestation. Sûrement un bug informatique… L’explication est simple, j’ai tardé à voir le dernier film de l’année précédente susceptible d’intégrer ce classement. Ce n’est que tardivement en janvier que j’ai été voir Les Banshees d’Inisherin, un film largement salué par la critique. Le suspense est donc intense pour savoir si, oui ou non, j’ai moi aussi succombé au charme de Martin McDonagh. Je vais vous donner un premier indice : ce long métrage est au moins aussi bon que ses œuvres précédentes, Bon Baisers de Bruges et 3 Billboards. Les cinéphiles auront déjà compris.

Original et inattendu

Martin McDonagh maîtrise une part de son métier de réalisateur à la perfection. Celle qui consiste à peupler ses films de personnages marquants et forts, pour ne pas dire inoubliables. Les deux protagonistes de Les Banshees d’Inisherin sont du genre de ceux qui restent longtemps à l’esprit. Et comme ce film est avant toute autre chose un film de personnages, c’est le film tout entier qui se grave dans l’esprit du spectateur. Après, difficile de dire s’il est à ranger dans les comédies ou les drames. Si le terme de tragi-comédie fait un peu désuet, il convient pourtant parfaitement ici. Mais le plus satisfaisant est le plaisir d’assister à une histoire réellement originale, à partir d’éléments de départ qui ne laissaient pas forcément présumer d’un scénario hors du commun. Aller voir ce film revient forcément à assister à quelque chose d’autre que ce à quoi on pouvait s’attendre, car il est impossible d’imaginer le contenu de cette histoire sans l’avoir parcourue.

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AVATAR 2 : LA VOIE DE L’EAU : le rêve de Méliès

Avatar 2 : la Voie de l'Eau affiche

Le 1er volet d’Avatar avait constitué une petite révolution cinématographique. À sa suite, la 3D avait envahi les écrans, mais pour, le plus souvent, un résultat assez médiocre. Ainsi, la mode a fini par passer et les lunettes ont été rangées au placard. Elles ont été ressorties cet automne à l’occasion d’un retour en salle. Ce fut l’occasion pour les spectateurs de redécouvrir ce que peut apporter cette technique, qui n’a rien d’un gadget quand la réalisation a été pensée pour elle. Mais tout cela n’était rien par rapport à la marche qui allait être franchie avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau. Un film qui va certainement ouvrir une nouvelle page de l’histoire du 7ème art. De l’histoire visuelle tout du moins.

Révolution en marche

Si Louis Lumière est généralement considéré comme l’inventeur du cinématographe. Mais comme tout art, le cinéma s’est réinventé à de nombreuses reprises sous l’impulsion des génies qui ont marqué son histoire. Concernant les aspects visuels, l’esprit le plus révolutionnaire fut celui de Georges Méliès. Avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau, James Cameron se place comme son héritier. Comme celui qui a quelque part accompli définitivement le rêve de son prédécesseur. Celui d’un cinéma pouvant nous emmener dans des mondes merveilleux, où rien ne ferait obstacle à l’imagination des cinéastes.

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CORSAGE : Pas royal

Corsage affiche

Les biographies ont valu beaucoup de prix pour les interprètes entrés dans la peau d’un personnage historique. Le but de ces films est de faire revivre ces femmes et ces hommes de manière la plus réaliste possible, même si certains développent un vrai point de vue, comme récemment Elvis. Quelques rares productions ont choisi par contre d’assumer un statut de pure fiction. Elles nous livrent des scénarios inspirés de la vie d’une figure historique, mais sans chercher à respecter la vérité. On pense notamment au Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Corsage est dans le même esprit, avec une autre figure royale. Il s’agit cette fois de Sissi, l’Impératrice d’Autriche, qui a déjà laissé une trace profonde dans le 7ème art.

Creux et répétitif

On ne peut pas assurer aux amateurs de l’œuvre de Sofia Coppola ou aux fans de Romy Schneider qu’ils trouveront leur bonheur avec Corsage. En fait, on ne peut l’assurer à personne. A moins d’aimer les films creux, répétitifs et sans éclat artistique. L’idée de départ était pourtant intéressante. A défaut de respecter la vérité historique, le film aurait pu effectivement mettre en lumière, de manière moderne, la personnalité de l’ancienne Impératrice. La volonté d’émancipation de celle-ci a bien été réelle, mais le scénario ne parvient pas à donner un souffle à la vision qu’il cherche à porter. Et du coup, on succombe assez vite à l’ennui.

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LES BONNES ÉTOILES : Soleil levant au matin calme

Les Bonnes étoiles

Prendre le meilleur du cinéma japonais et coréen pour les condenser en un seul film, voilà qui ne pouvait que ravir les amateurs de 7ème art. Les Bonnes Étoiles réalise cette synthèse En effet, il est réalisé par Hirozaku Kore-eda, un des plus grands cinéastes nippons, à qui on doit notamment Tel Père, Tel Fils ou une Affaire de Famille. Mais il a été tourné en Corée, lui permettant de bénéficier de l’incroyable vivier de grands comédiens qu’offre ce pays. Le résultat est un film tendre, flirtant entre comédie ou drame, à l’image de ce que peut être la vie telle qu’elle est vraiment vécu. Mais même quand il est aussi proche du réel, le film sait être magique.

Nuances de gris

Les Bonnes Étoiles confirme la capacité des films coréens et japonais de nous proposer des anti-héros attachants. Pourtant, on s’imagine mal se prendre d’affection pour des trafiquants d’enfants. Mais le scénario nous prouve à quel point tout n’est jamais noir ou blanc dans l’existence. L’histoire est ici tout en nuances de gris où on découvre surtout des personnages un peu perdus, cherchant leur chemin dans une existence qui ne leur a pas fait de cadeau. Le film ne tombe jamais dans la mièvrerie, même s’il dégage ce qu’on peut aisément qualifié de bons sentiments. Tout cela mène vers un dénouement lui aussi.

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ANNIE COLÈRE : Le combat d’une vie

Annie Colère affiche

Le cinéma résonne des sujets actuels, même s’il le fait parfois en se plongeant dans le passé. Surtout le cinéma français qui a toujours eu quelques scrupules à traiter l’actualité proche, même si cette retenue s’efface de plus en plus. Le droit à l’avortement se retrouve au cœur de nombreux débats en Occident, alors qu’il apparaissait comme un droit acquis définitivement. Si la France n’est pas concernée au même titre que les États-Unis, il n’en reste pas moins que la vigilance est de mise. C’est sans doute pour ça que quelques rappels salutaires ont été lancés par des cinéastes françaises. Si l’Événement d’Audrey Diwan avait représenté un vrai choc, Annie Colère de Blandine Lenoir passera malheureusement plus inaperçue. Dommage car il nous fait revivre un épisode trop méconnu du combat pour le droit à l’avortement.

Petite et grande histoire

Si l’histoire a retenu surtout le nom de Simone Veil, c’est oublié un peu vite l’action de nombreux collectifs du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC) qui a largement œuvré pour contraindre le monde politique à avancer sur le sujet. Annie Colère raconte cette histoire à travers le parcours d’une de leur bénévole qui s’engage après avoir elle-même avorté. Le film représente un cas typique de la grande histoire racontée à travers la petite. Mais la démonstration n’en est pas moins éclairante, forte et chargée d’une réelle émotion, au-delà de l’éclairage historique. L’Histoire est écrite par les femmes et les hommes qui la font, petits ou grands, anonymes ou illustres. Le film a la bonne idée de le rappeler sur un sujet aussi important.

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FUMER FAIT TOUSSER : Écran de fumée

Quand un réalisateur parvient à créer un univers bien à lui, il bénéficie d’une certaine sécurité. En effet, il lui suffit d’y ramener ses fans pour les satisfaire. Mais cela peut aussi devenir synonyme de facilité, voire même de suffisance. Le précédent film de Quentin Dupieux, Incroyable mais Vrai, était assez réussi pour ne pas craindre un tel travers de ce cinéaste hors norme. Mais son dernier film, Fumer Fait Tousser, sorti quelques mois seulement après le précédent, sonne un peu comme un avertissement. En effet, on peut y voir le signe d’une certaine paresse et d’un début de manque d’inspiration.

Sketchs non assumés

On peut difficilement reprocher à quiconque de jouer sur ses points forts. Quentin Dupieux est sans doute le cinéaste français qui maîtrise le mieux l’absurde. Il se rapproche des maîtres britanniques du genre, Monty Python en tête. Cet humour bien particulier peut séduire ou rebuter. Fumer Fait Tousser est un concentré d’humour absurde, mais il ressemble plus à une succession de séquences qu’à un réel long métrage. Le fil rouge scénaristique ne fonctionne qu’à moitié et sert parfois de prétexte à certains passages qui n’ont vraiment aucun rapport avec le reste. Avec le recul, peut-être aurait-il été plus judicieux de nous proposer un film à sketchs clairement assumé, plutôt que cette histoire trop bancale pour convaincre.

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