BUZZ L’ÉCLAIR : Vers l’infini mais guère au-delà

Buzz l'Eclair affiche

Les producteurs ont inventé la notion de suite et de franchise à peu près en même temps que le cinéma. Mais leur imagination a fini par faire naître d’autres idées pour exploiter au maximum un personnage ou un concept à succès. Sequel, prequel, spin-off, séries… Nos écrans sont remplis de dérivés de ce type. Pour le pire souvent, mais aussi parfois pour le meilleur. Buzz l’Éclair est à ranger dans la catégorie des spin-off. Mais un spin-off plutôt malin dans son lien avec la franchise originale, à savoir Toy Story, dont les 4 épisodes nous ont enchanté depuis bientôt 20 ans. Le résultat n’est pas tout à la hauteur du reste, mais assez réussi et surtout différent pour valoir un petit détour.

Buzz a le rythme

Buzz l’Eclair ne se situe pas dans l’univers de Toy Story. Il est le film dont le jouet Buzz l’Éclair est supposé être tiré. Il s’agit donc d’un vrai film d’aventure de science-fiction, sans lien avec notre réalité ou les personnages de la franchise, du moins sous forme de jouet. Cela pourra déstabiliser les plus petits, mais le film n’est clairement pas pensé uniquement pour eux. Les amoureux de Toy Story ont quelque peu grandi depuis 1995 et ils sont donc demandeurs d’un peu de complexité. Le scénario ici n’est pas celui d’Inception ou d’Interstellar, mais on y retrouve une notion de paradoxe temporel notamment. Bref, c’est divertissant, plutôt rythmé, propose quelques bonnes surprises, même si cela manque un peu d’audace. Mais on se vide la tête et on passe un bon moment.

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PETER VON KANT : Au théâtre ce soir

Peter von Kant

Adapter une pièce de théâtre au cinéma est un exercice à la fois facile et difficile. Facile parce que l’unité de lieu que cela implique souvent diminue les moyens nécessaires à la réalisation du long métrage. Mais cette même unité de lieu se montre également particulièrement visible. Difficile alors d’éviter cette impression de théâtre filmé qui donne toujours la sensation que ces films ne sont pas tout à fait du cinéma. On pouvait espérer qu’un réalisateur comme François Ozon y parvienne avec Peter Von Kant, l’adaptation d’une pièce de Fassbinder. Mais contrairement à Florian Zeller avec The Father, il échoue à donner à son long métrage une réelle dimension cinématographique.

Intensité et densité

Ceci dit, Peter Von Kant n’en est pas pour autant forcément un mauvais film. Certes, il s’agit de théâtre filmé, mais du très bon théâtre filmé. Oubliant de donner une réelle ampleur à ses décors, François Ozon se concentre sur autre chose. A valoriser un texte et un personnage puissants. Il s’agit d’un film portrait, d’un film sur l’amour, sur la souffrance, l’angoisse de la solitude, la peur de vieillir… Un propos riche, qui dégage beaucoup de force, à défaut d’être toujours hyper subtil. Tous les éléments sont assez classiques, mais leur intensité et leur densité donnent une réelle profondeur à ce film. Sa durée inférieure à 90 minutes montre bien que le réalisateur a vraiment veillé à ne jamais dilué son propos pour maintenir constante une réelle tension narrative.

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LES NUITS DE MASHHAD : Double jeu

Les Nuits de Mashhad affiche

Je pourrais évidemment écrire des pages et des pages pour faire l’éloge du 7ème art, vanter tous ses mérites et ses vertus. Je pourrais notamment consacrer un long passage sur la manière dont il offre malgré tout des espaces de respiration aux pays les plus cadenassés. Le cinéma iranien en est une illustration parfaite. La Loi de Téhéran ou un Héros nous ont émerveillés en 2021. 2022 nous offre les Nuits de Mashhad, un polar qui constitue en fait, quand on y regarde de plus près, une critique de la société et du pouvoir iraniens. Un double niveau classique pour le cinéma de ce pays, mais qui traduit surtout son incroyable richesse.

Maîtrisé à tous niveaux

La force des Nuits de Mashhad est d’être de très grande qualité sur ces deux plans. Le premier réside dans le face à face entre le tueur en série (dont l’identité n’est en rien cachée) et la journaliste prête à prendre beaucoup de risques pour le voir arrêté, malgré la passivité des autorités. Cet aspect est parfaitement maîtrisé jusqu’au climax digne des meilleurs thrillers. Le second est la critique sous-jacente d’une misogynie mortelle structurant la société iranienne. Comme souvent dans le cinéma de ce pays, elle prend la forme d’une critique morale des mœurs des citoyens, mais c’est bien le pouvoir qui est visé par cette œuvre. De manière très indirecte, mais assez évidente pour nos yeux d’Occidentaux.

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LES MINIONS 2 : IL ETAIT UNE FOIS GRU : Ca cartoone encore !

Les Minions 2 : Il était une Fois Gru affiche

Parmi les fiertés nationales dont notre beau pays peut se targuer, il y a bien sûr le vin, le fromage, Victor Hugo et les règles de grammaire qui pourrissent la vie de tous ceux qui essaient d’apprendre le français (y compris les Français eux-même d’ailleurs). On oublie trop souvent de citer également nos studios d’animation qui sont des références au niveau international. C’est notamment des animateurs bien français qui donnent naissance aux Minions et à Gru, leur mentor. On peut donc aller voir les Minions 2 : Il Etait une Fois Gru par pur patriotisme. Ou plus simplement pour passer un bon moment.

Un pur divertissement

Il y a longtemps que l’effet de divine surprise générée par Moi, Moche et Méchant est dissipé. On peut voir dans les Minions 2 : Il Etait une Fois Gru l’exploitation à n’en plus finir d’une franchise qui n’a pourtant plus rien de très nouveau à apporter. On n’aurait pas complètement tort, mais on aurait par contre complètement tort de bouder totalement son plaisir de retrouver ces créatures drôlatiques. Parce qu’au final ce film atteint son but avec une réelle efficacité. Il nous divertit, nous fait rire, nous fait oublier pour une heure et demi les grands problèmes du monde. L’univers est toujours aussi joyeux et coloré. Une joie qui reste toujours communicative.

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EL BUEN PATRON : Le bon Javier

Certains acteurs sont spécialistes des transformations physiques d’un film à l’autre. On pense notamment à Russell Crowe ou Johnny Depp. Javier Bardem est également pas mal dans son genre. La preuve avec El Buen Patrón où il incarne un chef d’entreprise d’un certain âge et bedonnant. On est loin du Javier Bardem d’une sensualité absolue de Vicky Cristina Barcelona ou même d’Everybody Knows, pour prendre un exemple plus récent. Mais ce qu’il y a de formidable avec un tel talent, c’est qu’il reste intact quelle que soit l’enveloppe qui le véhicule. Grâce à lui, le film nous offre un moment cinématographique particulièrement réjouissant.

Un portrait satyrique

El Buen Patrón est un portrait satyrique. Celui d’un homme aux défauts à première vue véniels, mais qui vont peu à peu prendre des proportions démesurées, quand les événements semblent se liguer contre lui. Il finira par commettre les pires horreurs pour un motif dont le dénouement soulignera la futilité. Le ton est résolument celui de l’humour et de la dérision, version acide particulièrement corrosif. Le spectateur devrait objectivement détester ce personnage, mais la magie du second degré (et le talent de l’acteur évidemment) fait naître un attachement et, avouons le, un plaisir sadique de le voir s’enfoncer toujours un peu plus.

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ELVIS : King is not dead

Elvis affiche

Baz Luhrmann restera à jamais le réalisateur d’un de mes trois films préférés, avec George Cukor et Quentin Tarantino. Vous imaginez donc avec quelle curiosité impatiente je peux aller voir chacun de ses autres films… qui m’ont à peu près tout déçus. Je garde cependant espoir de voir renaître le génie. Soyons clair, ce n’est pas tout à fait le cas avec Elvis, même si cela reste sûrement son œuvre la plus aboutie, en dehors de Moulin Rouge. Un film qui souffre néanmoins de nombreux défauts. Il se révèle au final aussi imparfait que l’homme dont il raconte la vie.

Débuts difficiles

Les premières minutes d’Elvis portent la marque de fabrique de Baz Luhrmann qui veut qu’il débute tous ses films par de longues séquences absolument insupportables. Si on souhaite positiver à tout prix, on peut mettre en avant que cela crée un contraste avec la suite, la rendant d’autant plus appréciable. De manière plus réaliste, voici un tic dont il ferait mieux de se passer. Cependant, la plus grande faiblesse de ce film ne réside pas dans la forme, mais dans le fond. Exactement comme pour Freddy Mercury dans Bohemian Rhapsody (qui est à mon sens un très mauvais film), le King est présenté ici comme la victime d’une influence extérieur néfaste, qui expliquerait tous ses travers. Il y a sans doute une part de vrai, mais cela déresponsabilise totalement le personnage et fait perdre une large part de son intérêt à ce portrait que l’on sent bien trop biaisé.

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I’M YOUR MAN : Allemagne 1 France 0

I'm Your Man affiche

Un nouveau match France-Allemagne s’est joué le 22 juin 2022 non pas au stade, mais dans les salles obscures. En effet, ce jour-là, sont sortis sur nos écrans deux films traitant du même sujet. L’un bien de chez nous et l’autre venu de l’autre côté du Rhin. J’aurais pu jouer les arbitres, mais j’avoue que je n’ai pas vu la production hexagonale, dont les critiques sont unanimement désastreuses. Par contre, je me suis déplacé voir I’m Your Man de Maria Schrader, que l’on connaît surtout pour ses rôles dans la série Deutschland 83 (86 et 89 par la même occasion). C’est donc un peu injustement que je vais déclarer l’Allemagne vainqueur en me fiant uniquement à la vox populi. Par contre, je peux affirmer pleinement et sans ambiguïté que j’ai pris beaucoup de plaisir à écouter la langue de Goethe.

La femme et la machine

Quel est donc le sujet de I’m Your Man (partagé donc avec l’Homme Parfait, sorti le même jour) ? Il se rapproche de celui de la série Real Humans ou de Her, à savoir celui d’une histoire d’amour avec une intelligence artificielle à l’humanité troublante. Il s’en rapproche d’autant plus que toutes ces œuvres s’intéressent avant tout à l’humain, bien avant d’être des œuvres de « science-fiction ». Ce film est avant tout un portrait de femme, une réflexion sur la solitude qu’une fable sur les possibilités offertes par la technologie. Le spectateur partage néanmoins le trouble qu’elle ressent face à ce robot souvent maladroit, mais paraissant parfois plus humain que bien de nos congénères. Le propos porte aussi sur la définition d’idéal amoureux et de sa désirabilité, sur une quête de perfection qui ressemble souvent à une excuse pour ne jamais rien trouver. Le résultat est plutôt habile, agréable à suivre, à défaut d’être d’une profondeur philosophique absolue.

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DECISION TO LEAVE : Retour brillant

Decision to leave : affiche

L’amour n’a parfois qu’un temps. Heureusement, parfois, il parvient malgré tout à s’entretenir pour toujours se renouveler. Mon amour pour le cinéma coréen est de ceux-là. La sortie de Decision to Leave va entretenir la flamme avec beaucoup de ferveur pour un long moment encore. Mais ce n’est guère étonnant venant d’un film réalisé par le brillantissime Park Chan-Wook, qui nous avait déjà émerveillé à de nombreuses reprises, comme Sympathy for Mister Vengeance et surtout Mademoiselle. Ce retour sur les écrans, six longues années après ce dernier, représente une des meilleures nouvelles de l’année.

La puissance des sentiments

Decision to Leave nous emmène dans une ambiance moins sombre et torturée qu’à l’accoutumée et semble tout d’abord ressembler à un polar tout à fait classique. Mais il ne s’agit que de l’ambiance générale, car on en vient à creuser et connaître les personnages en profondeur, on revient vite à ce qu’on a toujours connu chez Park Chan-Wook. Une exploration sans concession des tréfonds de l’âme humaine, de la puissance des sentiments pouvant l’habiter et des actes qu’elle peut pousser un individu à commettre. Le scénario est remarquablement écrit et il serait vraiment dommage d’en dire plus et gâcher la surprise pouvant naître des principaux tournants. On regrettera simplement un dénouement pas totalement convaincant, même si très réussi sur le plan formel.

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INCROYABLE MAIS VRAI : Absurde ou pas

Incroyable mais Vrai afficheJ’ai souligné dans ma précédente critique à propos des Crimes du Futur de David Cronenberg à quel point certains réalisateurs possèdent un univers particulier qui les caractérisent. Comme son collègue canadien, Quentin Dupieux fait partie de cette catégorie de cinéaste. Son œuvre se caractérise par une place prépondérante de l’absurde qui peut parfois déstabiliser, mais qu’il manie avec assez de talent pour ravir profondément ceux qui parviennent à surmonter cette déstabilisation. Avec Incroyable mais Vrai, il nous offre un nouvel OVNI cinématographique savoureux.

L’idée de départ d’Incroyable mais Vrai est à vrai dire… incroyable mais vrai. Tout comme le Daim, Quentin Dupieux parvient à construire une histoire à partir d’une idée totalement loufoque et sur lequel personne d’autre n’imaginerait bâtir une film. Encore une fois, il se sert d’une idée totalement décalée pour donner un éclat particulier aux travers pourtant communs qui définissent ses personnages. Ces derniers prennent une toute autre dimension que celle qu’ils auraient eu dans une situation « normale ». Tout cela fonctionne dans une alchimie assez unique, caractéristique des artistes qui maîtrisent à la perfection leur propre univers.

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LES CRIMES DU FUTUR : Au risque de se perdre

Si on peut reprocher au cinéma hollywoodien un manque d’imagination de plus en plus marqué (cf. le dernier Jurassic Park), le cinéma américain indépendant ne manque pas lui de cinéastes créatifs. Un des représentants les plus illustres de ce dernier reste David Cronenberg (qui est en fait canadien il est vrai). A 80 ans, avec les Crimes du Futur, il continue de proposer aux spectateurs son univers et son style bien particuliers qui font de chacune de ses œuvres des expériences uniques et surprenantes. Ses scénarios sont souvent torturés et sortent largement des sentiers battus. Au risque de se perdre.

Les Crimes du Futur nous raconte une histoire difficile à résumer sans donner l’impression que c’est un grand n’importe quoi. Peut-être tout simplement parce qu’on n’est pas loin de la vérité. Pourtant, elle garde longtemps un caractère fascinant. Le talent du cinéaste fait qu’on accepte le point de départ quelque peu dérangeant et on se surprend à se demander où cela peut bien nous mener. Sauf que plus le temps passe, plus on réalise que cela ne nous mène nul part. Cela rend tout le reste gratuit. On peut trouver ça simplement surréaliste, mais la narration est trop complexe pour que cela ne soit pas frustrant.

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