UN ÉCHEC DE MAIGRET : Commissaire sans défauts ?

Un Échec de Maigret

Le moins que l’on puisse attendre d’un des plus célèbres détectives de la planète qui fait face à un nouveau mystère, c’est qu’il le résolve à la fin du roman. Mais quand on tient dans ses mains un roman intitulé un Échec de Maigret, on se se demande si l’heure n’est pas venue de voir notre héros pris à défaut. L’impensable semble alors possible. Qu’en est-il vraiment à la fin de cet ouvrage ? Ne comptez pas sur moi pour le révéler ici. Il serait vraiment dommage de gâcher un des meilleurs épisodes des « aventures » du commissaire à la pipe.

Savoureux portraits

Les enquêtes du commissaire Maigret, comme le reste de l’œuvre de Georges Simenon, constitue une occasion d’examiner les travers de la bourgeoisie. Ici c’est la figure du parvenu qui joue un rôle central. Comme toujours, le portrait est savoureux, acide et piquant. Mais ceux dressés à travers la galerie de personnages riche et convaincante, le sont tout autant. Ce qui fait la qualité particulière d’un Échec de Maigret est que tout cela vient se greffer sur un mystère dont on attend vraiment le fin mot avec une certaine impatience. En un mot, il allie l’étude des mœurs avec un récit policier prenant. On regrettera juste un dénouement qui laisse un peu le lecteur sur sa faim.

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MEMORIES : Triple facette de l’animation nippone

Memories affiche

Les reprises sur grand écran de films sortis plusieurs années auparavant s’est quelque peu perdu avec le temps. On est loin des vieux Disney qui ressortaient chaque Noël au cinéma, ce qui fait que les personnes de ma génération les ont vus sur des écrans dignes de ce nom. La mode des films en 3D avait quelque peu relancé le phénomène (je me souviens d’avoir revu Titanic ainsi), mais comme cette mode a totalement disparu elle-aussi, cette source s’est tarie. Cependant, l’animation japonaise bénéficie encore parfois de tels retours en salle. On se souvent de la ressortie d’Akira l’année dernière notamment. Le succès de la démarche explique sûrement que Memories bénéficie du même traitement. Cette œuvre est nettement moins digne de culte, mais les amateurs du genre ne doivent pas passer à côté de l’occasion de le voir ou le revoir.

3 en 1

Memories est un film composé de trois courts métrages, tous écrits par Katsuhiro Ōtomo, qui signe également la réalisation du troisième. Trois histoires assez différentes, aussi bien dans le contenu, que l’ambiance ou les décors. On passe de la science-fiction pure et dure à une sorte de farce, pour finir sur une vision du futur sombre à la 1984. C’est forcément inégal, même si chaque partie possède ses qualités et son attrait. Le premier intrigue, le deuxième amuse et le troisième fait réfléchir. Cette richesse donne tout son attrait au film, car chaque sketch individuellement est intéressant, mais pas forcément inoubliable.

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LEÏLA ET SES FRÈRES : L’iran à l’envers

Affiche de Leïla et ses Frères

J’ai plusieurs fois souligné la capacité des cinéastes iraniens à parvenir à jouer avec la censure et parvenir à livrer au monde leur regard critique sur la société et le pouvoir de ce pays. Saeed Roustaee y était brillamment parvenu avec la Loi de Téhéran. Il a eu moins de chance avec Leïla et ses Frères qui reste à ce jour interdit de sortie dans son pays d’origine. C’est là qu’on mesure notre chance de jouir d’autant de liberté. Il serait en effet vraiment dommage de passer à côté de cet excellent film qui nous plonge au cœur de la médiocrité humaine.

Valeurs renversées

Avec Leïla et ses Frères, Saeed Roustaee s’amuse à renverser les valeurs portées par les personnages. Le titre traduit bien sa volonté de faire d’une jeune femme la protagoniste la plus forte de l’intrigue. La figure du patriarche n’est pas ici symbole de sagesse, bien au contraire. L’histoire bouscule tous les repères qui devraient la jalonner, pour souligner avec une force toute l’hypocrisie de ceux qui cherchent tout de même à sauver les apparences. Une attaque en règle contre les traditions et les fondements même de la société iranienne. On ne sera donc pas étonné de voir la censure frapper, même si le pouvoir en tant que tel est relativement absent de l’intrigue.

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OOKII GEKKOU (Vanishing Twin), NEARER THE FOUNTAIN, MORE PURE THE STREAM FLOWS (Damon Albarn), RAISE THE ROOF (Robert PLant et Alison Krauss): Promesses non tenues

Ookii Gekkou (Vanishing Twin) : Dilution progressive

Ookii Gekkou de Vanishing TwinAvant de passer à deux immenses stars, on commence par un groupe anglais nettement moins connu, Vanishing Twin. Leur album Ookii Gekkou se caractérise par la voix douce et évaporée de Cathy Lucas, qui vient se poser sur une musique qui navigue entre jazz et électro. Avec des sonorités étranges, c’est parfois envoûtant et mélodieux. Cependant, cela finit par tourner quelque peu en rond pour ne finalement plus ressembler qu’à une musique d’ambiance. C’est maîtrisé et relativement intéressant, mais un peu trop lisse. Les promesses du début se dilue malheureusement progressivement.

The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows (Damon Albarn) : Les mélodies s’écoulent

The Nearer the Foutain, More Pure the Stream Flows de Damon AlbarnDamon Albarn est surtout connu comme leader et chanteur du groupe Blur, puis de Gorillaz. Il connaît aussi une carrière solo moins flamboyante mais qui compte plusieurs albums dont ce the Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows. Il débute dans une ambiance douce et épurée, où la voix du britannique est claire et posée. Ensuite, c’est parfois plus dynamique, mais on reste toujours dans un style relativement éthéré. Les mélodies s’écoulent délicatement jusqu’aux oreilles de l’auditrice ou de l’auditeur, malgré la voix parfois un peu criarde de Damon Albarn. Au final, on traverse agréablement cet album, mais sans non plus en retenir grand chose.

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DISPARITIONS à LA CHAÎNE (Ake Smedberg) : En toute transparence

Disparitions à la Chaîne

Ecrire des romans policiers est un métier en soi. En effet, les auteurs qui s’essaient à ce genre écrivent le plus souvent uniquement des polars. Certains font exception comme Ake Smedberg, dont les rares éléments biographiques en français indiquent que Disparitions à la Chaîne, dont il est question ici, est sa première incursion dans le roman policier. Difficile de se faire une idée de ce que vaut le reste de sa bibliographie puisqu’il ne semble pas y avoir d’autres de ses œuvres traduites en français. On peut facilement penser que la traduction de celle-ci est simplement liée au fait de la popularité globale des polars suédois. Malheureusement, plus que pour la qualité exceptionnelle de ce roman…

Une histoire un peu fade

Disparitions à la Chaîne n’est pas non plus un mauvais polar. Mais simplement un polar qui n’a vraiment rien d’exceptionnel. Le fait que l’enquête soit en fait menée par un journaliste et non un policier n’apporte pas vraiment d’originalité. Il possède néanmoins une réelle qualité pour ce genre de roman, à savoir une intrigue dont on ne voit pas arriver le dénouement largement à l’avance. A l’inverse cependant, aucun des éléments de celle-ci ne déchaîne vraiment l’enthousiasme. Certains sont même passablement bancals et pas toujours très convaincants. Rien de rédhibitoire, mais cela place ce livre plutôt dans le rayon romans de gare corrects, plutôt que dans celui des grands polars.

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VESPER CHRONICLES : A suivre

Vesper Chronicles affiche

Pendant longtemps, les futurs apocalyptiques étaient le plus souvent imaginés suite à une guerre nucléaire, menace avec lequel l’humanité a vécu pendant toute la Guerre Froide. Et même si l’actualité fait renaître cette crainte, il est désormais de plus en plus fréquent que ce genre de vision de l’avenir découle d’un catastrophe écologique. Ce fut particulièrement le cas cette semaine, avec de l’Autre Côté du Ciel et donc Vesper Chronicles, un film franco-belgo-lituanien de science-fiction, ce qui en fait déjà presque en soi une œuvre originale.

Sombre et intriguant

Vesper Chronicles est une œuvre assez sombre, beaucoup plus que ce que le jeune âge de son héroïne pouvait laisser penser. L’ambiance, les décors, les événements, tout est marqué par une certaine noirceur. Les personnages, à l’exception de l’héroïne, sont tous très ambigus. Il est bien difficile de distinguer les méchants des gentils, même si l’intrigue forcera chacun à choisir un camp. Le film n’est pas spécialement spectaculaire, mais nous entraîne dans un monde intriguant et qui vaut le coup d’être exploré. Il est clair que ce film est le premier volet d’une histoire beaucoup plus vaste, mais ce premier épisode possède bien des intérêts propres.

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DE L’AUTRE CÔTE du CIEL : Poésie graphique

De l'Autre Côté du Ciel affiche

Si l’animation japonaise nous offre chaque année de très belles productions, dans des styles très différents, on peut parfois lui reprocher une certaine uniformité dans le style graphique. On reconnaît généralement d’un seul coup d’œil le style « manga » ou « anime ». Il y eu quelques exceptions comme le Conte de la Princesse Kaguya, mais globalement les films se suivent et se ressemblent jusqu’à devenir quelque peu impersonnels. Cet été, le Japon nous aura heureusement offert une œuvre faisant preuve d’une réelle personnalité artistique : de l’Autre Côté du Ciel. Un film qui possède bien d’autres qualités.

Epique et poétique

De l’Autre Côté du Ciel est une fable écologique qui aurait pu facilement être lourdingue par sa naïveté. Au final, le film se révèle surtout particulièrement poétique. On retient surtout la profondeur des personnages et l’attachement très fort qu’ils font naître chez le spectateur. L’histoire dégage une réelle émotion. Mais c’est autant épique que poétique. L’aspect aventure tient vraiment la route avec de nombreuses péripéties et ce petit frisson qui fait naître l’enthousiasme devant ce genre de spectacle. Une belle histoire bien racontée, voilà une qualité que l’on apprécie pleinement.

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LES DERNIERS HOMMES (Pierre Bordage) : Apocalypse hexagonale

Les Derniers Hommes

La science-fiction constitue un domaine littéraire où les auteurs anglo-saxons règnent en maître et où les auteurs français ont du mal à émerger. Certains l’expliquent par une économie qui favorise la traduction d’auteurs déjà connus par ailleurs, plutôt que l’accompagnement d’écrivains en devenir. Pourtant, notre pays compte tout de même des plumes prêtes à faire vivre ce genre qui est pourtant né dans notre pays, Cyrano de Bergerac (le vrai!) et Jules Verne en ayant été les pionniers. Pierre Bordage en fait partie, au même titre que Jean-Philippe Jaworski par exemple (Gagner la Guerre, Janua Vera). Je suis heureux de l’avoir découvert à travers les Derniers Hommes.

Classique mais riche

Les Derniers Hommes est un récit relativement classique de vision apocalyptique du futur. La Terre a été ravagée par une troisième guerre mondiale et rendue quasiment inhabitable. Une poignée d’êtres humains s’y battent pour parvenir à survivre. Un point de départ que l’on retrouve dans de nombreux romans ou récits. Cependant, celui-ci se distingue par une grande richesse et la complexité du monde décrit. Une richesse dans lequel le lecteur peut parfois se perdre, mais finalement avec un certain plaisir. Pierre Bordage cherche vraiment à créer un univers unique. Il y parvient, en lui conférant de plus un caractère relativement fascinant.

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EN DECALAGE : Le bon son

En décalage affiche

Les collaborations franco-espagnoles occupent le haut de l’affiche cet été. Il y a quelques semaines avec As Bestas, qui marquera profondément cette année 2022 cinématographique. Pas sûr qu’En Décalage occupera une place équivalente dans les mémoires des amateurs du 7ème art. Mais il n’aura pas déçu ceux qui auront eu la bonne idée d’aller le voir au lieu d’aller à la plage. Un scénario particulièrement bien écrit et inattendu fait de ce film une réussite, à la hauteur des moyens déployés. Avec un travail remarquable sur le son récompensé aux Goyas.

Un scénario remarquablement écrit

Pour apprécier pleinement En Décalage, il faut savoir se laisser porter par l’histoire et se laisser surprendre. La bande-annonce est d’ailleurs exemplaire à ce niveau là, en traduisant parfaitement l’ambiance du film, tout en ne dévoilant pas ce qui fait vraiment l’originalité de l’histoire. Le récit est particulièrement bien construit, dévoilant progressivement les éléments qui le constituent. Et surtout leur ampleur et leur nature réelles. Rien de très spectaculaire au final, mais beaucoup d’intelligence dans l’écriture et de finesse dans la narration. Il ne s’agit pas de l’histoire la plus passionnante jamais racontée. Mais au moins, elle est unique.

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ILIUM (Dan Simmons) : Odyssée galactique

Ilium de Dan Simmons

Après avoir pénétré dans l’univers de Dan Simmons à travers les romans consacrés au monde d’Hypérion (dans lequel je vais pouvoir revenir bientôt), j’ai poursuivi mon exploration avec Ilium, premier volet d’un diptyque, mêlant des éléments tirés de la mythologie homérique et science-fiction pure et dure. Un mélange des genres qui n’était pas totalement absent du reste de son œuvre, mais qui est ici pleinement assumé et poussé jusqu’au bout. Le tout dans une atmosphère et un style typique de cet auteur relativement unique. Et qui peuvent difficilement laisser indifférent.

Trois récits (trop) en parallèle

On retrouve dans Ilium, une structure proche de ce qu’on retrouvait dans Hypérion. A savoir des récits en parallèle qui semblent n’avoir aucun lien les uns avec les autres, mais qui finiront tout de même par se rejoindre. Ce procédé a le grand mérite d’attiser la curiosité du lecteur qui se demande bien quel idée l’auteur a derrière la tête. Cependant, il nécessite de dissimuler au lecteur le plus longtemps possible l’ensemble des enjeux narratifs se cachant derrière chaque branche de l’histoire. Du coup, on s’y perd parfois. Le lecteur a un peu l’impression de lire trois livres différents en parallèle, qui vont susciter chez lui des engouements inégaux. Et surtout, le récit est parfois difficile à suivre. Chaque bloc de l’histoire est riche et complexe et on peine parfois à raccrocher lorsque l’on en retrouve un après avoir passé de longues pages sur ce qui nous semble tout autre chose. Surtout pour un fil qui nous enthousiasme moins.

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