MOTOMAMI (Rosalia), AVATARS OF LOVE (Sondre Lerche), BEDROOM WALLS (November Ultra) : Potentiels gâchés

Motomami de Rosalia : Trop inégal

Motomami de RosaliaOn début cet avis par une artiste espagnole, dont le nom de scène est simplement Rosalia. Motomami est son troisième album, sorti en 2022. Sa jolie voix se pose sur des titres entraînants aux accents latinos et hip-hop. Il y a de la conviction et de l’énergie. Le résultat est sympathique parfois, varié toujours. Mais à force de partir dans toutes les directions, de s’essayer à différents style, l’album finit par être très inégal. Les meilleurs titres sont ceux énergique et dansants et ceux qui mettent en valeur sa voix. Dommage qu’elle la déforme sur de nombreux morceaux. Comme les instrumentations sont globalement moyennes, cela finit par faire pas mal de déchet. Dans le même style, on préférera l’album Free as A Bird de Soom T.

Avatars of Love de Sondre Lerche : Potentiel dilué

Avatars of Love de Sondre LercheOn reste en Europe, mais en Norvège cette fois, avec Sondre Lerche et son album Avatars of Love. Il s’ouvre sur sa voix douce se posant sur un air de guitare simple et épuré. Le résultat est séduisant et cela ouvre la curiosité, surtout que l’instrumentation se complexifie peu à peu. Mais on finit par trouver ce titre long. Les autres titres vont suivre le même schéma : séduisant mais s’étirant inutilement sur six à dix minutes. Cela donne un incroyable sentiment de gâchis. Le talent et le potentiel sont énormes, mais le tout se dilue de manière très regrettable.

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MEUTRE SUR UN BATEAU-DE-FLEURS (Robert Van Gulik) : La richesse du Juge Ti

Meurtre sur un bateau-de-fleurs

Si les aventure du commissaire Maigret occupe une place importante dans ces pages, surtout depuis que j’ai mis le Poulpe à la retraite, un autre policier est un habitué des lieux. Enfin non, pas tout à fait un policier, mais un juge. Un juge chinois du VIIème siècle, le Juge Ti, qui a connu une carrière littéraire en Occident sous la plume de Robert Van Gulik. Après le Paravent de Laque, le voici face à de nouvelles affaires sordides qui s’entremêlent dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs. On peut cependant compter sur sa légendaire sagacité pour démêler tout cela.

Une intrigue après l’autre

Comme à son habitude le récit se décompose en plusieurs sous-intrigues qui s’entrecroisent. Mais dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs, il s’attarde d’abord longuement sur celui qui a donné le titre au roman. Cela permet de rentrer vraiment dans l’histoire, de ne pas se retrouver perdu face à tous les personnages, comme c’est souvent le cas. Il s’agit d’une caractéristique appréciable car il gomme un des petits défauts que l’on peut trouver à l’œuvre de Robert Van Gulik. Les histoires complémentaires viennent ensuite enrichir le récit, mais le lecteur a le temps de les intégrer les uns après les autres.

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YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS : Gravité légère

Youssef Salem a du Succès affiche

Ramzy Bedia a depuis quelques années suivit le chemin que beaucoup d’autres acteurs comiques ont emprunté avant lui. Celui qui mène au statut d’acteur dramatique, tout autant talentueux. Cela s’est amorcé notamment avec Une Vie Ailleurs en 2017. Youssef Salem a du Succès permet de mesurer à quel point l’ancien complice d’Eric Judor a atteint une grande maturité artistique. Il joue sur ses deux jambes, à l’aise dans une grande palette de registres. Ce très joli rôle lui permet d’en faire étalage, sous la caméra élégante de Baya Kasmi. Une histoire riche qui nourrit la réflexion du spectateur, tout en lui donnant le sourire et lui inspirant de belles et nombreuses émotions. Le genre de film qui nous montre où se situe la vraie richesse du cinéma français.

Richesse grave et légère à la fois

Youssef Salem a du Succès se démarque tout d’abord par la richesse de son propos. On y parle de la famille, de l’intégration, du rapport à la célébrité, de l’affirmation de soi… Beaucoup de sujets donc, mais chacun occupe une vraie place et Baya Kasmi parvient à aller au bout de la réflexion à chaque fois. Malgré cela, le propos est fluide et reste incroyablement léger, même pour les aspects le sujets les plus graves. Ensuite, le film brille par sa pertinence. Le message profondément humaniste fait beaucoup de bien dans une société qui souffre autant de manichéisme et de rejet des visions différentes. Il rassemble sans jamais céder au bons sentiments. La profondeur du propos est réelle et sa bienveillance ne signifie en rien qu’il ferme les yeux sur les aspects les plus douloureux.

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TIRAILLEURS : Déracinés

Tirailleurs

En 2006, le film Indigènes avait rappelé de manière brillante l’apport de soldats venus des colonies lors de la Seconde Guerre Mondiale. Mais cette réalité n’a évidemment pas concerné que ce conflit, mais aussi le conflit de 14-18. Les amateurs du 7ème art ne peuvent désormais plus l’ignorer grâce à Tirailleurs. Un film très bien écrit et qui ne tombe jamais dans la facilité. Et qui, de manière universelle, nous rappelle, comme 1917 avant lui, à quel point cette guerre fut une véritable boucherie à la dimension absurde terrifiante.

Père et fils

Le grand mérite de Tirailleurs est de se construire autour d’un socle qui n’enferme pas le film dans son sujet. La relation entre le père et le fils qui se heurte à une hiérarchie militaire qui inverse les rôles constituent un fil rouge transposable dans bien d’autres contextes. Ne pas être qu’un cri revendicatif n’affaiblit pas le message. Bien au contraire, il le crédibilise en lui donnant un surplus de hauteur. Il s’agit d’un film simplement humaniste même s’il met en lumière une histoire bien particulière qui n’appartient qu’à ceux qui l’ont vécu et en ont souffert.

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MAIGRET A NEW YORK (Georges Simenon) : Lost in translation

Maigret à New York

Les aventures du commissaire Maigret sont intimement liées au Quai des Orfèvres et plus largement à la ville de Paris. Elles en explorent tous les quartiers pour aller au-devant de ses habitants et des secrets qu’ils cachent. Parfois, le héros quitte cependant la capitale pour la province (Maigret à Vichy) ou même les Pays-Bas (Un Crime en Hollande). Cette fois-ci, il part encore plus loin, traversant l’Atlantique et nous offrir ainsi, Maigret à New York.

Perdu dans la ville

On retrouve donc le commissaire Maigret loin de son univers familier. Le récit joue avec le dépaysement ressenti par le personnage, lui qui semble toujours savoir où il va. Mais en perdant son héros, Georges Simenon se perd aussi par la même occasion. Il ne semble pas du tout savoir comment donner du corps et du souffle à son récit. Les quelques personnages secondaires qui émergent sont très stéréotypés et manquent d’épaisseur. Maigret à New York n’a donc rien d’une visite guidée avec un accompagnateur ultra-compétent.

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ARCHIVE MATERIAL (Silverback), YOU BELONG THERE (Daniel Rossen), AMEN (Get Well Soon): Voyage dans le temps

Archive Material (Silverback) : Sympathique mais limité

Archive Material de SilverbackOn commence par le deuxième album d’un groupe peu connu (qui n’a même pas de page Wikipédia), à savoir Archive Material des britanniques de Silverback. Celui-ci, sorti en 2022, commence de manière assez directe. Cela semble quelque peu bordélique, mais ça possède quelque chose de réjouissant. Les titres où se fait entendre la voix féminine sont les plus accrocheurs. Le reste est assez inégal et reste toujours relativement basique. L’énergie rend le tout assez sympathique, même si cela touche assez vite ses limites.

You Belong There (David Rossen) : Sans fioriture

You Belong There Daniel RossenAutre découverte, Daniel Rossen, un américain qui signe avec You Belong There, un premier album solo, après une carrière avec un groupe appelé Grizzly Bear. Les sonorités nous ramènent à la fin des années 60. Le résultat est propre, maîtrisé et interprété avec conviction. Le tout est sans fioriture, mais du coup sans vraiment de raison de s’enthousiasmer. Surtout que l’album perd de sa consistance peu à peu. Les hésitations deviennent plus prégnantes, même s’il reste tout de même globalement assez agréable.

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GODLAND : Avis de grand froid

Godland affiche

Une contrée désertique. Des paysages grandioses. Des hommes venus d’ailleurs dotés d’un léger complexe de supériorité vis-à-vis d’autochtones auxquels ils sont persuadés d’apporter une part de civilisation à ces sauvages. Des hommes rudes, fier de leur virilité. Une population entretenant une relation particulière avec les chevaux. Tout ça fait forcément penser à un western. Pourtant, il s’agit ici de l’Islande et de sa « colonisation » par les Danois. Une histoire peu connue que nous fait découvrir Godland. A condition d’aimer les films fortement contemplatifs.

L’ennui qui guète

Entre beau, long et ennuyeux, notre cœur balance au moment de se qualifier Godland. C’est le genre de film que l’on passe en se disant que si cela continue comme ça encore cinq minutes, on va finir par s’ennuyer ferme. Sauf que l’ennui ne vient jamais vraiment. Mais à force de flirter avec elle, on a bien du mal à se montrer pleinement enthousiaste. On est intéressé par le spectacle mais uniquement avec l’intellect. Le cœur reste sur sa faim, faute d’émotion.

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PALMARÈS 2022 : L’année des cinéastes

Armageddon Time

Un palmarès 2022 très tardif, mais de grande qualité. Il est le reflet de toute la diversité du 7ème art qui fait que jamais on ne se lasse de se rendre dans les salles obscures. Il place les États-Unis une nouvelle fois au sommet du cinéma mondial, même si l’Europe et l’Asie restent évidemment présentes. Mais surtout, ce palmarès nous rappelle à quel point le cinéma appartient avant tout aux cinéastes. Aux auteurs qui ont une vision à transmettre, une personnalité à partager, un propos à défendre. A l’heure où un pur film de producteur consterne le cinéma français, il est bon de se rappeler que l’histoire de l’art a été écrite par les artistes, non les mécènes.

La vision qui triomphe cette année est donc celle de James Gray. Un metteur en scène qui sait allier la beauté esthétique avec la profondeur du fond. Il nous livre avec Armageddon Time une réflexion d’une force bouleversante, qui, à travers une histoire très intimiste, remet en question notre vision du monde. Il offre à Anthony Hopkins un des rôles les plus remarquables de cette année cinématographique. Un film bouleversant dont on ne ressort pas indemne.

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LABYRINTHITIS (Destroyer), THE FANTASY LIFE OF POETRY & CRIME (Pete Doherty et Frédéric LO), (WATCH MY MOVES) (Kurt Vile) : Potentiels inexploités

Labyrinthitis (Destroyer) : A se fermer les oreilles

Labyrinthitis destroyerOn débute avec les Canadiens de Destroyer et leur album Labyrinthitis, sorti en 2022. J’ai déjà discuté ici de trois de leurs albums précédents (Kaputt, Poison Season et Have We Met), qui m’avaient laissé sur des impressions quelque peu mitigés, mais tout de même globalement positive. Ici, on se retrouve immédiatement plongé dans une ambiance éthérée, pas très mélodieuse. Les sonorités sont dissonantes et souvent sans relief. Une certaine attention renaît quand le rythme devient plus dynamique, avec des accents électro, mais comme le résultat casse quelque peu les oreilles, on les referme vite. La voix de Dan Beja est sur cet album étonnamment insupportable.e m L’album est vraiment pénible à écouter tout du long, avec certains titres qui semblent être là juste pour faire du remplissage, même s’il se termine tout même sur une jolie balade.

The Fantasy Life of Poetry & Crime (Pete Doherty et Frédéric Lo) : Inoxydable

The Fantasy Life of Poetry and Crime Pete Doherty Frédéric LoOn poursuit avec une vieille connaissance que la drogue et l’alcool auraient pu faire disparaître de la circulation. Mais il faut croire que Pete Doherty a la peau dure. Il revient, en duo avec Frédéric Lo, un artiste ruthénois, pour un album intitulé The Fantasy Life of Poetry & Crime. Elle s’ouvre sur une balade douce qui sublime sa voix, comme une invitation à le suivre pour le reste de l’album. La suite est tout aussi séduisante, baignant toujours dans l’harmonie. La douceur n’empêche pas l’énergie et la conviction dans les interprétations acoustiques. La qualité est constante et le résultat très solide.

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LES BANSHEES D’INISHERIN : Bons baisers d’Irlande

Les Banshees d'Inisherin affiche

Les plus perspicaces d’entre vous auront peut-être remarqué que je n’ai toujours pas publié mon top de l’année 2022. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi, je n’ai pas reçu du coup des dizaines de messages de protestation. Sûrement un bug informatique… L’explication est simple, j’ai tardé à voir le dernier film de l’année précédente susceptible d’intégrer ce classement. Ce n’est que tardivement en janvier que j’ai été voir Les Banshees d’Inisherin, un film largement salué par la critique. Le suspense est donc intense pour savoir si, oui ou non, j’ai moi aussi succombé au charme de Martin McDonagh. Je vais vous donner un premier indice : ce long métrage est au moins aussi bon que ses œuvres précédentes, Bon Baisers de Bruges et 3 Billboards. Les cinéphiles auront déjà compris.

Original et inattendu

Martin McDonagh maîtrise une part de son métier de réalisateur à la perfection. Celle qui consiste à peupler ses films de personnages marquants et forts, pour ne pas dire inoubliables. Les deux protagonistes de Les Banshees d’Inisherin sont du genre de ceux qui restent longtemps à l’esprit. Et comme ce film est avant toute autre chose un film de personnages, c’est le film tout entier qui se grave dans l’esprit du spectateur. Après, difficile de dire s’il est à ranger dans les comédies ou les drames. Si le terme de tragi-comédie fait un peu désuet, il convient pourtant parfaitement ici. Mais le plus satisfaisant est le plaisir d’assister à une histoire réellement originale, à partir d’éléments de départ qui ne laissaient pas forcément présumer d’un scénario hors du commun. Aller voir ce film revient forcément à assister à quelque chose d’autre que ce à quoi on pouvait s’attendre, car il est impossible d’imaginer le contenu de cette histoire sans l’avoir parcourue.

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